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Visuel de l'exposition |
Ce texte a été rédigé dans le cadre de la rédaction de l'exposition "S'engager pour la liberté de la France - 1940-1945", au Musée de la Résistance de Châteaubriant (44)
La
mise en place des maquis est une première étape vers la Libération
de la France. En Loire-Inférieure, le général Audibert est placé
à la tête de l’Armée secrète de l’Ouest, regroupant deux
formations : Au sud Loire existe le Maquis Sud-Loire, et au nord
de la Loire, ce sont au total 18 maquis qui se mettent en place et
forment la structure du futur Maquis de Saffré, en 19441.
Le
but est simple : permettre dès 1943 la formation de réseaux
pour que tous les résistants soient bien armés et équipés au
moment du Débarquement. Ainsi, ils peuvent par la suite bloquer les
voies de communication et ainsi empêcher
les Allemands de parvenir au front.
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Blason du Maquis de Saffré. Crédit : La Mée |
Initialement,
le premier maquis reconnu légitime
le 16 octobre 1943 par le Valentin Abeille, délégué militaire régional des FFI, est le maquis de la
Maison-Rouge, sur la commune des Touches, entre Nort-sur-Erdre et
Riaillé. Ce maquis est composé d’une trentaine de personnes au
départ, issues des communes de la Meilleraye-de-Bretagne,
Nort-sur-Erdre et des environs. Dans la ferme de la Maison-Rouge, le
propriétaire Pierre Martin, un ancien poilu, recueille
déjà des réfractaires au STO. Claude Gonord, 21 ans, membre du
réseau Eleuthère, reçoit l'ordre de créer un maquis en juin 1943.
La création du maquis de la Maison-Rouge est effective le 5 juillet
1943. Suite à une dénonciation, Claude Gonord est emprisonné en
décembre 1943 puis déporté en janvier 1944, mais le maquis
continue d'exister.
Dans
la nuit du 15 au 16 juin 1944, ils sont près d’une centaine. Dès
lors, il faut choisir un autre lieu plus vaste pour l’implantation
et le maquis est transféré en forêt de Saffré, en attendant le
parachutage d’armes par les Anglais. Le terrain avait été choisi
car il est situé en face d'une vaste prairie (la prairie dite “des
Gouvalous”). Les fermes du Pas du Houx et des Brées deviennent
alors le PC du nouveau maquis de Saffré. Dans un premier temps, le
commandant Briac Le Diouron (dit “Yacco” en raison de la
publicité pour les huiles présente sur son taxi) organise les
groupes à la base de la création du maquis. Le 16 juin 1944, un
incident oppose violemment le commandant Yacco et le commandant
Joseph, de son vrai nom Robert Cadiou, chef des FTP du maquis du
Meix. Joseph refuse alors d'envoyer ses hommes à Saffré. À partir
du 17 juin, le commandement du nouveau maquis de Saffré est confié
au commandant Philippe, de son vrai nom Félicien Glajean, envoyé
par Libération Nord.
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Ferme des Brées, détruite par les Allemands le 28 juin 1944. Crédit photo : Patrice Morel. |
François
Martin, un ancien maquisard, témoigne :
"Je
ne suis pas un héros. Je suis de la classe 42 et j'avais déjà reçu
par deux fois des convocations pour le service du travail obligatoire
(STO). Je me suis camouflé sur Bouvron, puis à Plessé. Début
juin, les Alliés débarquent en Normandie. Le vicaire de l'époque,
l'abbé Henri Ploquin, recrute. Il avait l'esprit patriote. Je savais
que je risquais ma peau. Je n'étais pas obligé de dire oui à
Ploquin, mais j'étais bien décidé d'aller me battre contre les
Allemands. Il fallait avoir la foi, dans ces années où l'on pouvait
basculer d'un côté ou de l'autre. À cette époque, nous, les
maquisards, n'étions pas bien considérés par tout le monde. La
résistance a été beaucoup critiquée. Nous étions qualifiés de
terroristes par l'armée d'occupation. Le 15 juin, nous sommes partis
en vélo, sans savoir où nous allions. J'avais juste un sac
tyrolien, quelques effets, un livre... Il y avait l'abbé Ploquin,
Jean Caux, Eugène Lucas, des gars de Fay... Il y avait 60 armes
pour 310 hommes. C'était mal organisé. Les alliés ont parachuté
des armes le lendemain de l'attaque."
Le
temps est mauvais et à cause de ces conditions météorologiques, le
parachutage tant attendu n’arrive pas. Dans le même temps, suite à
l'attaque du maquis de Teillay, au nord-ouest de Châteaubriant le 23
juin, tous les maquisards du nord du département viennent se cacher
en forêt de Saffré. Le nombre de maquisards atteint alors 310
hommes. Ces résistants appartiennent aux FFI. Les FTP, suite à
l'incident entre Joseph et Yacco, ne s'y engagent pas. Les époux
Rouquié, garagistes à Héric, chez qui les responsables FFI
s'étaient réunis, ont été trahis et arrêtés. Tout le réseau
est ainsi infiltré par la Gestapo.
Le
28 juin 1944 au petit matin, les Allemands attaquent le maquis. Entre
1500 et 2000 hommes, équipés d'armes automatiques arrivent en forêt
de Saffré. "C'était des SS et des miliciens de Pétain"
explique François Martin. "
À côté de moi, Charles (Bretecher) s'est exclamé : Oh ! Les
boches ! Ils sont à vingt mètres. Nous, on n'était pas armé, et
puis même... Les balles sifflaient aux oreilles. Nous étions tombés
dans un piège."
Pour aller plus vite, Charles a abandonné son sac contenant des
balles. Celui de François est resté aussi sur le terrain. Son livre
est dedans avec son nom et son adresse inscrits à l'intérieur. "Les Allemands l'ont récupéré. Heureusement, c'était déjà la
débandade, sinon..."
Puis,
ils sont partis à quatre pattes, à travers les épines. Le temps de
traverser une route, sauter une barrière, un camion de soldats
arrivait. "Ils ne
nous ont pas vus. Nous avons pris la direction de Fay et Bouvron à
travers les champs. Je n'ai jamais revu l'abbé Ploquin qui a été
fait prisonnier ce jour-là, déporté puis libéré en 1945."2
La
majorité des maquisards parvient à s'échapper, mais tous n'ont pas
cette chance. Georges
Chaumeil, 18 ans, tente de retarder les Allemands avec son fusil
mitrailleur. Une partie de ses camarades arrivent à se replier, mais
Georges Chaumeil se retrouve encerclé par les Allemands. Il est tué sur
place. Quatre autres maquisards (Baptiste Rabin, Louis Loizel, Félix
Guillet et Paul Orieux) sont massacrés par les Allemands entre la
ferme du Pas-du-Houx et la ferme des Brées. Les fermiers, qui ont
accueilli les maquisards, sont frappés et leurs fermes sont brûlées.
Auguste Guiheneuc, Fonds Studio Théau – Coll. AMRC / MRn |
Gayer,
chauffeur du car Drouin réquisitionné par les allemands pour les
transporter, raconte l'attaque :
Joseph Nauleau, Fonds Studio Théau – Coll. AMRC / MRn |
Environ
une heure après, j’entendis des coups de fusils et des rafales de
mitrailleuses. Je pensais sur le moment à des manœuvres, à un
genre d’exercice de guerre, quand à un moment donné un civil
débouche d’un champ sur la route. Les sentinelles qui me gardaient
l’ayant aperçu firent feu sur lui, moi je leur dis, croyant à une
méprise : « monsieur vous tirez sur un civil », ce
à quoi il répondit « c’est un terroriste ». À ce
moment je me rendis compte de ce qui se passait. À environ une heure
de là, quelques officiers sont venus me chercher avec le car pour
aller rejoindre la ferme du Pas du Houx. Sitôt notre approche avec
le car, j’ai aperçu le feu dans une meule de foin, et tous les
pauvres maquisards attachés les mains au dos à l’aide de
ficelles. Ils étaient maltraités à coups de pied et de crosses de
fusil. Pendant ce temps, la Gestapo dévalisait tout dans les deux
fermes. J’ai vu aussi le beau frère de la fermière, frappé
torturé également par la Gestapo.
Au
total, l'attaque tue 13 maquisards sur place. La plus jeune victime,
Robert Geffriaud, n'a que 17 ans. 27 autres d’entre eux sont
massacrés le lendemain à la Bouvardière, à Saint-Herblain. Deux
sont exécutés à la prison Lafayette à Nantes, et 29 sont
condamnés à la déportation. Les survivants de l'attaque
poursuivent leurs actions dans la poche de Saint-Nazaire jusqu'en
1945. La Résistance continue.
Ronan Pérennès, professeur certifié d'Histoire et de Géographie, octobre 2017.
Groupe d’allemands devant un véhicule. Photo prise après « l'opération de Saffré » en juin 1944. AD49, Cote 75W34.
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Bibliographie
:
-
Collectif,
Catalogue
d’exposition
En
guerres,
Editions du château des ducs de Bretagne, 2013
-
Gasche,
Etienne, Saffré,
28 juin 1944, la mémoire des maquisards,
éditions Coiffard, Nantes, 2012.
-
Marcot,
François, La
Résistance et les Français: Lutte armée et maquis : colloque
international de Besançon 15-17 juin,
Belles Lettres, coll. « Série Historiques », Paris,
2003
-
Perraud-Charmantier, André, Le drame du
maquis de Saffré, 15-28 juin 1944,
éditions du fleuve, Nantes, 1946.
1 L'essentiel
des informations ayant servi à réaliser cette synthèse sont
tirées de l'ouvrage suivant : Gasche,
Etienne, Saffré, 28 juin 1944, la mémoire des maquisards,
éditions Coiffard, Nantes, 2012.
2 Témoignage
de François Martin, Ouest France, 20 juin 2014.